Par Pamela Déom
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Je n’arrivais pas à y croire, David Paquette m’avait invitée à un rendez-vous! Le plus beau gars de l’école qui me demandait cela à moi, Sarah-Kim Potel. Je revenais tout juste de l’école alors que je continuais mon processus de la fille nerveuse qui n’arrêtait pas de jouer avec la petite planète en styromousse pour se calmer. En me regardant dans le miroir, je ne comprenais vraiment pas en quoi il pouvait me trouver belle. Cheveux longs et bruns assez dépeignés sous un bonnet mauve, peau trop pâle, boutons indiscrets qui se posaient sur mon front, yeux bruns tellement foncés qu’on se demandait où était ma pupille et bien sûr, cette horreur qui fournissait aux gens la facile comparaison à une sorcière ou à une patate, cet horrible nez aquilin. La seule partie de mon physique que j’appréciais était mon corps mince; certains me diront maigrichonne mais ce n’était que des paroles de filles jalouses. Le rendez-vous était dans une semaine, certes, mais je devais tout de même me préparer. Aussi mal organisée que je pouvais l’être, je savais déjà précisément quoi porter; il y avait cette belle grande robe bleue avec de faux cristaux. Elle serait parfaite pour ce genre de rendez-vous, et puis pourquoi ne pas essayer des souliers à talons hauts? Je savais que j’aurais un peu de difficulté à marcher avec ça, moi qui portais toujours des Converse si plats, mais l’effort en vaudrait la peine.
Tout à coup, je venais de penser à quelque chose, oui cette chose que je n’avais jamais osé avouer à David. Il ne savait toujours pas que j’étais autiste! Paniquée, je serrais encore plus fort ma balle de styromousse. Cela semblait ridicule, mais manipuler des objets m’avait toujours fait du bien. Après m’être calmée, j’eût une idée. Pour ne pas être méprisée par mon futur amoureux, je devais trouver un moyen de cacher cette satanée maladie mentale. Il fallait que je paraisse le plus «normale» possible, et ce, par tous les moyens. Je regardais ma balle de styromousse avant de la lancer au sol; cet objet qui ferait douter n’importe qui. En regardant mon iphone, j’eût une idée splendide.
Je composai le numéro de ma meilleure amie, Audrey. Elle devait sûrement savoir comment réagir « normalement ». Alléluia, elle répond! Étonnée de mon appel, elle m’avait gentiment demandé ce qui n’allait pas. Je lui ai tout expliqué; ensuite, je lui ai demandé comment agir comme une personne non-autiste. Elle ne savait pas trop quoi répondre, ce qui constitua un échec total.
Je commençais à perdre mon sang froid. J’étais le genre de fille qui pétait un câble lorsque les choses ne fonctionnaient pas comme je le voulais. Je mis alors mon manteau d’automne noir par-dessus ma veste carottée rouge, ainsi que mes gants troués de la même couleur que mon manteau. J’avais besoin d’air. En marchant dans la rue, j’espérais ne pas croiser personne que je connaissais. Il y avait ces moments où j’avais besoin d’être seule dans ma bulle, là où être moi-même n’était pas un péché pour qui que ce soit. En cherchant des solutions à mon problème, j’étais tombée sur une bonne idée, et cette fois-ci, ça allait être la bonne j’en étais certaine. Je me rendis à la bibliothèque proche de chez nous. Pour moi, cette bibliothèque était un synonyme de paradis, là où les bruits dérangeants n’existaient pas sous peine d’être sorti de la salle. Aussi, j’adorais lire de bons livres fantastiques à la bibliothèque, mais cette fois-ci c’était pour faire des recherches personnelles. Si je trouvais un livre qui traitait du sujet de l’autisme, je saurais les traits de caractères qui dérangent les gens. Toute ma vie, personne ne m’avait dit ce qui les dérangeait; soit que les adultes me traitaient comme une idiote, soit les élèves de mon âge me traitaient de tous les noms de la planète Terre juste avant de m’humilier. Je soupirais à tous ces souvenirs qui me hantaient, même si ces souvenirs dataient de longtemps et que les gens me disaient que j’étais devenue une jeune femme à 19 ans, et que mon autisme ne paraissait plus. J’avais quand même peur que David le découvre. Je ne voulais pas qu’il réagisse comme les autres, je voulais qu’il m’aime. C’est pour cela que je devais comprendre mon handicap. Après de longues lectures, j’avais appris plusieurs trucs que je faisais sans m’en rendre compte. J’avais découvert que l’autisme n’avait pas que des aspects négatifs, mais aussi du positif. Comme par exemple, un trait que je trouve assez chouette et que je possède une mémoire photographique; qui aurait cru que ça pouvait venir de l’autisme?
J’ai emprunté le livre avant de revenir à la maison. Durant les jours qui ont suivi, j’ai tenté de devenir une personne comme les autres, du moins agir ainsi. Les autistes sont très solitaires, eh bien j’allais changer ça; je socialiserais avec beaucoup de monde, ce qui pouvait être dérangeant à la longue… Mais je n’allais pas abandonner. Bien sûr, je devais être concentrée à tout moment et ce, pas juste sur ce que j’aime. J’ai décidé de me donner comme défi de lire des documents scientifiques, ce que je détestais le plus au monde. Je tentais de lire sans perdre la concentration au moins une fois, ce qui fut très ardu pour moi.
Avec tous les efforts, les traits autistiques que je tentais de supprimer avec tant de difficulté, je me fatiguais et ça me tannait. J’avais l’impression que tout ce que je faisais ne fonctionnait pas. Ça m’énervait car je voulais tellement changer.
Durant un souper chez mon père, j’ai tenté de ne pas paraître déçue devant lui. Geste qui était stupide car je savais très bien que mon père allait le deviner, il me connaissait trop… Il me regarda en me demandant ce qui se passait. Je soupirai avant de tout avouer; je sortais le tout en étant stressée, tellement stressée que je pleurais. Il m’a souri avant de me demander ce que j’avais appris de plus sur l’autisme durant mes recherches. Je lui ai mentionné les grands stress, la solitude, des problèmes de concentration et d’humeur. Je lui ai cité des traits spéciaux de l’autisme, comme par exemple la bonne mémoire ainsi que des sens du corps qui pouvaient être plus développés que la moyenne. C’est ainsi que mon père me dit une parole que je n’allais jamais oublier « Sarah-Kim, tu es autiste et tu ne pourras pas le changer, mais tu peux t’améliorer comme n’importe quelle personne qui tente d’améliorer ses points faibles, autiste ou pas. Oui tu es différente des autres, mais tu es une fille forte et courageuse. Tu es aussi intelligente et beaucoup de monde qui t’ont rencontrée m’ont dit être surpris que tu sois autiste. Sache que si David t’as invitée à un rendez-vous, c’est qu’il a sûrement remarqué tes belles valeurs qui doivent lui avoir plu». Émue j’ai donné un gros câlin à mon père. Il avait raison. Et dans le pire des cas, si David ne m’acceptait pas ainsi, et bien ça voudrait dire qu’il ne m’aimait pas vraiment.
Le jour du rendez-vous, tout a bien été. C’était une merveilleuse sortie au restaurant. Nous avons rigolé sur beaucoup de choses. Ce qui était remarquable, c’est que nous avions plusieurs points communs; nous avions cette même croyance pour les esprits et nous aimions tous les deux créer. J’ai eu certains moments de maladresse, comme par exemple être dans la lune, mais je m’étais améliorée car j’ai pu me sortir de là en m’excusant. Après le souper, il m’a invitée chez lui pour discuter encore un peu et j’ai accepté. En route vers sa maison, je lui avouai mon autisme. Il m’a répondu que cela ne lui dérangeait pas du tout et qu’il l’avait aussi remarqué. Je répondis par un regard de questionnement; David remarqua ce regard car il avait ensuite ajouté que je faisais beaucoup de gestes qui étaient comme ceux de son petit frère, qui était aussi autiste.
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Note de l’auteure : Ceci est une histoire créée pour le cours de langage du cinéma. Notre histoire devait comporter un thème, donc j’ai choisi le thème de l’autisme. J’espère que vous aimerez cette petite histoire et n’hésitez pas à me donner vos commentaires !